Recrutement : ce que dit la loi...
Compte-tenu des questions qui nous sont régulièrement posées à l'occasion de nos formations au recrutement et des anecdotes que nous rapportent certains candidats, il nous est apparu utile de rappeler ici ce que dit la loi en matière de recrutement...
Nous ne sommes pas, par tempérament, pour une application talibanesque de la loi, mais plutôt que de céder à une approche émotionnelle de la question, nous préférons voir en quoi la loi, au fond, ne relève parfois que du simple bon sens.
Un questionnement en lien avec l'analyse des aptitudes à occuper l'emploi...
Finalement, c'est plutôt pas mal puisque c'est précisément la question que nous nous posons, en position de décideur : quelle est la capacité de tel(le) ou tel(le) candidate à occuper l'emploi ? Du coup, cela nous conduit à une réflexion intéressante : quels sont nos critères objectifs de sélection ?
Rappelons que le choix d'un critère objectif constitue en soi un acte subjectif ! Nous pouvons dire en effet que le fait d'être titulaire de tel ou tel diplôme est un fait objectif. Cependant, décréter que seul tel ou tel diplôme est prédictif de succès professionnels est totalement subjectif...
En pratique, cela doit conduire chacun à s'interroger, pour chaque information demandée : en quoi me permet-elle d'apprécier la capacité de mon interlocuteur à occuper l'emploi pour lequel nous nous rencontrons ?
L'article L1221-6 en détail
Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles.
Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles.
Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations.
Un processus de recrutement "transparent" et "pertinent"...
L'idée de processus est intéressante car le fait même qu'il en existe suppose que l'essentiel ne soit pas laissé au feeling... Une manière de sécuriser ses recrutements, pour l'employeur comme pour le(la) salarié(e), est d'utiliser, par type d'emploi, les mêmes phases de découverte réciproque.
Une bonne pratique consiste à associer l'encadrement immédiat dans le choix et le contenu des différentes étapes de sélection, particulièrement lorsque nous optons pour des exercices, tests, et/ou mises en situation.
Cela implique également de communiquer au candidat les résultats qu'il a obtenus. A l'usage, plus que les résultats "bruts" des tests, quizz et exercices, ce sont les échanges qui en résultent qui sont intéressants. Nous pourrons les générer à partir des 2 questions suivantes : à votre avis, que dit de vous ce test ? puis, une fois les résultats présentés, en direct : que pensez-vous des conclusions de ce test ?
Le fait d'en informer les candidats ne peut que constituer un "plus", au service de la marque employeur, en montrant ainsi la maturité de la réflexion sur le champ du recrutement. Observons d'ailleurs que, de plus en plus, les entreprises communiquent sur leur site internet, dans leur espace recrutement, sur leurs processus de sélection.
L'article L1221-8 en détail
Le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'aide au recrutement utilisées à son égard.
Les résultats obtenus sont confidentiels.
Les méthodes et techniques d'aide au recrutement ou d'évaluation des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie.
Des candidats informés...
Le principe consiste à informer les candidats des démarches entreprises pour collecter de l'information à leur propos. Ils le sont de fait lorsqu'il s'agit de tests ou de mises en situation. Ils ne le sont pas forcément lorsqu'il s'agit des contrôles de référence. Et si la stricte application de la loi apportait un plus ? En effet, le fait de demander ouvertement des références à un candidat permet d'apprécier son niveau de sérénité vis-à-vis de ses anciens employeurs et managers.
Conservons néanmoins en tête que le fait que la notion de compétences n'a de sens que par rapport à un contexte donné. C'est la raison pour laquelle des personnes réputées performantes dans un contexte peuvent décevoir alors que des personnes réputées médiocres peuvent de révéler excellentes ! Cela démontre, une nouvelle fois, qu'en matière de recrutement c'est quand c'est fini que tout commence...
L'article L1221-9 en détail
Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.
L'essai... une période pour les 2 parties !
Là encore, cette disposition est frappée au coin du bon sens : un bon recrutement est une opération qui doit représenter, dans la durée, un bon deal pour les 2 parties. Cela doit nous conduire, en position de recruteur, d'identifier avec précision l'intérêt qu'aurait le candidat à accepter une offre.
Nous vous conseillons par ailleurs, sachant que la période n'est pas discutable, de réfléchir à ce qu'il est pertinent d'essayer durant cette période. Et si vous posiez la même question au désormais futur collaborateur : pour vous, que convient-il de valider pendant cette période.
Enfin, soulignons qu'une des questions de fond, en matière de recrutement, est celle de la cohérence entre la promesse faite lors du processus d'embauche et la réalité de l'organisation que le collaborateur découvrira au fil de son intégration.
L'article L1221-20 en détail
La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
Gare aux discriminations !
Il n'est pas question ici d'être moralisateur mais d'attirer l'attention de chacun(e) sur les formes "ordinaires" de discrimination : l'apparence physique, la corpulence, les conclusions que l'on tirera de telle ou telle filiation professionnelle...
Quels sont les risques ? Il y a bien entendu les peines prévues dans le code pénal mais il y a surtout le fait de passer à côté d'opportunités formidables !
Je vous invite donc à prendre connaissance des 22 critères de discrimination précisés dans l'article de loi ci-dessous...
L'article L1132-1 en détail
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
NB : le Code Pénal (art 225-2) prévoit jusqu'à 3ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende en cas de discrimination avérée à l'embauche…
Une exigence de bonne foi...
Côté candidat, comme le précise l'article L1221-6. C'est sans doute utile de le rappeler à l'heure où l'on estime à près de 50% le nombre de CV erronés pour ne pas dire "bidonnés" ! Il est vrai que le mauvais exemple vient parfois du plus haut niveau...
Aux candidats tentés par cette stratégie, rappelons qu'elle est le plus souvent de très courte vue. C'est le sens de la formule d' Abraham LINCOLN "Vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps. Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps. Mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps."
Aux dirigeants, je suggère de méditer cette formule de François de la ROCHEFOUCAULD : "Notre méfiance justifie la tromperie d'autrui."
En conclusion...
Les dispositions légales associées au recrutement nous semblent en tous points compatibles avec la finalité même du recrutement : apprécier la capacité d'un(e) candidat(e) à occuper l'emploi que nous avons à pourvoir. De façon très concrète, cela conduit à nous poser les questions suivantes :
- Quelles sont les activités à assurer ?
- Quels connaissances, savoirs-faire et qualités sont de ce fait nécessaires ?
- Comment les apprécier objectivement ?
- Qu'est-ce qui est négociable et pour quelles raisons ?
- Quel lien entre mes attentes et la capacité objective à occuper l'emploi ?
Rajoutons, pour ceux d'entre vous qui ont du mal à trouver des candidats :
- Que pourraient nous apporter des profils différents de ce que nous avions imaginés ?
- Que représente le coût de formation par rapport au coût de non recrutement ?